19 abril, 2008

Aimé Césaire - Poésie




Aimé Césaire

Extrait du
Cahier d'un Retour
au pays natal
(Présence Africaine éditeur)





Il me suffirait d'une gorgée de ton lait jiculi pour
qu'en toi je découvre toujours à même distance
de mirage - mille fois plus natale et dorée d'un
soleil que n'entame nul prisme - la terre
où tout est libre et fraternel, ma terre.

Partir. Mon coeur bruissait de générosités
emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune
dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont
le limon entre dans la composition de ma chair :
« J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur
désertée de vos plaies ».

Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais :
Embrassez-moi sans crainte... Et si je ne sais
que parler, c'est pour vous que je parlerai».
Et je lui dirais encore :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui
n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de
celles qui s'affaissent au cachot du
désespoir. »

Et venant je me dirais à moi-même :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon
âme, gardez-vous de vous croiser les bras en
l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est
pas un spectacle,car une mer de douleurs n'est
pas un proscenium, car un homme qui crie n'est
pas un ours qui danse... »

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